Devoirs et obligations de l’administrateur transitoire
Bien que les organes décisionnels du syndicat soient constitués dès la publication de la déclaration de copropriété, leur mise en œuvre effective est, dans les faits, souvent assurée par le promoteur qui en est le signataire. L'administration et la gestion du syndicat des copropriétaires sont ainsi assumées, à titre transitoire, par un administrateur désigné par le promoteur, dans le cadre d’une période d’administration, plus ou moins longue selon les cas. Ce dernier agit à titre de mandataire du syndicat et exerce les fonctions dévolues au conseil d’administration, jusqu’à ce que les copropriétaires en assurent la relève en élisant leur propre conseil.
Composition du premier conseil d'administration
La déclaration de copropriété (Règlement de l’immeuble) prévoit généralement la désignation d’un ou de plusieurs administrateurs transitoires par le promoteur, prenant effet dès la publication de la déclaration de copropriété au Registre foncier. En tant que signataire de cette déclaration, le promoteur nomme souvent des personnes liées à son organisation : employés, partenaires ou associés d’affaires. Bien que cette désignation soit légale, elle ne doit pas entraîner un contrôle indu ou prolongé sur le syndicat. Le mandat transitoire prend fin dès que le promoteur perd la majorité des voix à l’assemblée des copropriétaires, conformément à l’article 1104 du Code civil du Québec. Ce changement donne lieu à une assemblée extraordinaire de transition, au cours de laquelle les copropriétaires élisent un nouveau conseil d’administration composé de membres indépendants du promoteur.
Période de transition
Cette période transitoire s'avère généralement délicate. Elle survient au moment où le syndicat est en voie de démarrage, une étape où plusieurs problèmes peuvent rapidement se manifester: la mise en place des structures administratives, l'ajustement du budget, le règlement de différends potentiels avec les entrepreneurs et même le traitement des plaintes relatives aux malfaçons, vices cachés et vices de construction.
L'administrateur transitoire doit composer avec ces réalités tout en demeurant fidèle à son mandat légal — agir dans l'intérêt du syndicat, et non dans celui du promoteur.
Devoirs et obligations de l’administrateur transitoire
L’administrateur transitoire assume les mêmes responsabilités et possède les mêmes pouvoirs que tout autre administrateur d’un syndicat de copropriétaires. Il est tenu d’administrer et de gérer la copropriété. À ce titre, il doit, minimalement :
Étude du fonds de prévoyance
Le démarrage efficace d’une copropriété requiert une estimation sérieuse et réaliste de la contribution des copropriétaires au fonds de prévoyance. En principe, l’administrateur transitoire doit prendre les mesures utiles pour que ses prévisions soient adéquates, quitte à être assisté par un professionnel en bâtiment, par exemple un architecte, un ingénieur ou un technologue professionnel.
Charges communes
Pour la première année financière, les copropriétaires doivent généralement payer au syndicat leur cotisation, calculée en fonction du budget adopté par l’administrateur transitoire après la publication de la déclaration de copropriété. Ce paiement se fait habituellement au moyen de versements mensuels dus le premier jour de chaque mois.
Une question d’éthique
L'administrateur transitoire est assujetti aux articles 321 à 326 du Code civil du Québec, qui énoncent les obligations des administrateurs de personnes morales. Ces dispositions exigent que l'administrateur provisoire agisse avec :
- Prudence et diligence, comme le ferait une personne raisonnable placée dans des circonstances similaires ;
- Honnêteté et loyauté, exclusivement dans l’intérêt du syndicat — et non dans celui du promoteur, même s’il a été initialement désigné par ce dernier ;
- Impartialité, en évitant toute situation de conflit d’intérêts, notamment dans l’octroi de contrats, la gestion du budget ou le traitement des réclamations liées à la construction.
Le syndicat constitue une entité juridique distincte du promoteur. L'administrateur transitoire a donc le devoir moral et légal d’assurer une administration neutre, rigoureuse et transparente.
Dérives possibles
Certaines pratiques peuvent trahir le devoir d’impartialité du directeur. Par exemple :
- L’octroi de contrats de services à des entreprises liées au promoteur, sans appel d’offres ni analyse de marché ;
- L’adoption d’un budget irréaliste en sous-estimant les charges communes pour rendre les unités plus attrayantes à l’achat, au détriment de la gestion future ;
- L’omission de percevoir les charges communes dues par le promoteur, créant ainsi un déséquilibre budgétaire et une injustice envers les copropriétaires ;
- Le report ou le défaut de convocation de l'assemblée annuelle, privant ainsi les copropriétaires de leur droit à l’information et à la participation ;
- Le retard dans l’identification des vices de construction ou l’entrave aux démarches légitimes du syndicat visant à engager la responsabilité des entrepreneurs ou sous-traitants, afin de protéger le promoteur.
Responsabilité civile de l’administrateur transitoire
De telles pratiques compromettent l’intégrité de la copropriété et peuvent mener à des litiges, voire à une responsabilité personnelle de l’administrateur transitoire. Ce dernier ne bénéficie d’aucune immunité s’il commet une faute dans l’exercice de ses fonctions. La Cour d’appel du Québec, dans l’affaire Syndicat de copropriété de Villa du Golf c. Leclerc, 2015 QCCA 366, a confirmé que l’administrateur transitoire d’un syndicat, même s’il agit également à titre de promoteur, peut engager sa responsabilité civile personnelle lorsqu’il agit au détriment des intérêts du syndicat. Dans cette affaire, Ghislain Leclerc, agissant à la fois comme administrateur de la société promotrice et comme administrateur transitoire du syndicat, avait autorisé des travaux insuffisants malgré des avis techniques contraires. La Cour a jugé qu’« il a omis d’agir avec prudence, diligence, honnêteté et loyauté envers le Syndicat et donc, envers les copropriétaires » (paragr. 75). Elle l’a ainsi condamné solidairement avec la société 9133-8434 Québec inc. à verser 844 628,67 $ au syndicat, avec intérêts et indemnité additionnelle. Cette décision illustre clairement que les fautes extracontractuelles d’un administrateur transitoire, notamment en situation de conflit d’intérêts, peuvent entraîner une responsabilité personnelle fondée sur les articles 1457 et 321 à 326 du Code civil du Québec.
BON À SAVOIR ! Même si l'administrateur transitoire est nommé par le promoteur, il agit à titre de représentant légal du syndicat. Il est donc tenu de gérer dans l'intérêt collectif de tous les copropriétaires — actuels et futurs.
À RETENIR: L’obligation de convoquer une assemblée générale annuelle est non négociable. Elle garantit la transparence, permet l’approbation des états financiers et assure un dialogue démocratique avec l’administration — même pendant la phase transitoire.
ATTENTION ! Les conflits d’intérêts sont fréquents à cette étape. Un administrateur transitoire qui agit pour protéger le promoteur ou qui transfère les responsabilités de celui-ci au syndicat expose le syndicat à des pertes — et s’expose lui-même à des conséquences juridiques.
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