Locataire en copropriété divise : quelles sont les règles applicables?

Dans une copropriété, certains logements peuvent être habités par les copropriétaires et d’autres par des locataires au terme d'un contrat de bail. Acheter pour louer est une tendance qui s’est manifestée depuis plusieurs années dans les grands centres urbains ainsi que ceux de villégiature. Il est très fréquent, dès lors, que les locataires cherchent à entrer en contact avec le conseil d’administration ou le gestionnaire de la copropriété (pour demander la réparation d’un équipement en panne, tel que l’ascenseur, par exemple).

De la même manière, le conseil d’administration ou le gestionnaire peut souhaiter entrer en relation avec un locataire (s’il ne respecte pas la déclaration de copropriété, par exemple). La location d’une fraction par un copropriétaire implique ainsi une relation tripartite entre le syndicat, le locateur et le locataire. Or quelles en sont les règles?

Obligation d’aviser le syndicat de copropriétaires

Conformément au Code civil du Québec, l’article 1065 prévoit que le copropriétaire qui loue sa partie privative doit, dans les 15 jours, en aviser le syndicat. Il indique le nom du locataire, la durée du bail ainsi que la date à laquelle il lui a remis une copie du règlement de l’immeuble. Préalablement à cette location, le propriétaire désireux de louer sa partie privative devra s’assurer que la location envisagée respecte les règles et limitations y étant consignées. En effet, la déclaration de copropriété peut valablement contenir des restrictions au droit de louer une partie privative, si celles-ci sont justifiées par la notion de destination de l’immeuble c’est-à-dire, l’usage auquel l'immeuble est réservé.  

Droit du copropriétaire de choisir son locataire 

Le copropriétaire est libre de louer son logement à qui il veut, le conseil d'administration n'a pas son mot à dire. La Cour supérieure du Québec a affirmé que le conseil d’administration ne peut pas obliger le copropriétaire à obtenir son accord sur le choix du locataire car cela porte atteinte au  droit de propriété et n’est pas justifié par la destination de l'immeuble.

Locataire, copropriétaire et conseil d’administration

En règle générale, le conseil d’administration traite qu’avec le copropriétaire et le locataire n’a de relation qu’avec le copropriétaire-locateur, car il n’y a pas de lien contractuel entre le locataire et le syndicat. Le locataire est ainsi un tiers par rapport à la copropriété. Lorsque le locataire a une question concernant le fonctionnement de la copropriété, il devra la poser au copropriétaire qui la transmettra au syndicat. Si le locataire subit des troubles anormaux de voisinage, il devra prévenir son locateur (le copropriétaire) qui a l’obligation de lui assurer une jouissance paisible des lieux. À l'inverse, le syndicat ne peut pas se retourner contre le locataire pour qu’il respecte les obligations du copropriétaire, par exemple, si ce dernier ne paye pas les charges communes.

De la même manière, la communication du syndicat envers le locataire sera censée transiter par le copropriétaire-locateur. L'absence de lien contractuel complique le dialogue, mais ne le rend pas impossible. En cas de travaux à être engagés dans la partie privative louée, le syndicat devra transmettre au locataire les avis qui sont prévus par la loi aux articles 1922 et 1931 du Code civil du Québec. Il en est ainsi pour les travaux urgents et ceux qui sont nécessaires à la conservation de l’immeuble et décidés par le syndicat.

Locataire et règlement d’immeuble

L’absence de lien contractuel avec le syndicat des copropriétaires n'exonère pas le locataire de respecter les dispositions du règlement d’immeuble. Cette opposabilité du règlement de l’immeuble à l'égard du locataire est expressément prévue par l'article 1057 du Code civil du Québec qui énonce :

« 1057.  Le règlement de l'immeuble est opposable au locataire ou à l'occupant d'une partie privative, dès qu'un exemplaire du règlement ou des modifications qui lui sont apportées lui est remis par le copropriétaire ou, à défaut, par le syndicat. »

Cet article permet donc de soumettre à un locataire d’un immeuble détenu en copropriété divise aux mêmes règles juridiques que doivent respecter les copropriétaires, relativement à la jouissance des lieux habités, et ce tout en préservant les droits du locataire de ne pas se voir opposer un règlement qu’il ignore. L’exemplaire du règlement de l’immeuble pourra être remis au locataire par le copropriétaire, mais le syndicat pourra aussi le faire pour éviter que le défaut d’un copropriétaire ne puisse nuire aux droits des autres copropriétaires. 

L'opposabilité du règlement d'immeuble à l'égard du locataire ne déresponsabilise pas le copropriétaire-locateur. En cas de nuisances significatives causées par le locataire (le plus souvent, si ce dernier est trop bruyant ou en cas de troubles du voisinage), c'est au copropriétaire d'agir auprès de son locataire pour faire cesser tout désordre signalé par le syndicat. 

Résiliation du bail

L’article 1079 du Code civil du Québec prévoit que « le syndicat peut, après avoir avisé le locateur et le locataire, demander la résiliation du bail d’une partie privative lorsque l’inexécution d’une obligation par le locataire cause un préjudice sérieux à un copropriétaire ou à un autre occupant de l’immeuble. Ainsi, lorsque le comportement d’un locataire met en péril un projet de vie en copropriété, le syndicat est en droit, dans l’intérêt collectif, d’intervenir, surtout si le locateur peut être lui-même empêché d’agir.

Rappelons que l'article 1855 du Code civil du Québec prévoit l'obligation générale pour tout locataire, pendant la durée du bail, d'user du bien loué avec prudence et diligence. De plus, l'article 1860 du Code civil du Québec précise que tout locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires, sous peine d'être tenu envers le locateur et les autres locataires de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès aux lieux.

Les critères d’action et les démarches à entamer pour obtenir cette résiliation sont similaires au recours contre un copropriétaire. Les seules différences sont les suivantes : ce recours ne peut être intenté que par le syndicat, après en avoir avisé le locateur et le locataire, qui auront ainsi l’opportunité de corriger la situation.

Dans la mesure où le montant de la réclamation est inférieur au seuil de compétence de la Cour du Québec, toute demande relative à un bail de logement doit être soumise exclusivement au Tribunal administratif du logement. Il faut savoir qu’un jugement rendu devant le Tribunal administratif du logement peut entraîner la résiliation d’un bail, si la gravité de la faute du locataire est jugée suffisante. Le syndicat pourra même, au surplus, poursuivre le locataire en réparation du préjudice qu’il a causé à la collectivité des copropriétaires. Rappelons que pour reprocher au locataire un non-respect du règlement de l’immeuble, une copie doit lui avoir été remise par le copropriétaire-locateur. Si ce dernier ne le fait pas, le syndicat devra le faire à sa place, pour être en mesure d'agir

 

 BON À SAVOIR ! N'ayant aucun lien juridique avec le syndicat des copropriétaires, un locataire n'a aucun droit d'assister à l'assemblée des copropriétaires, sauf s'il représente un copropriétaire absent qui lui a remis une procuration. Pourtant, certaines décisions prises en assemblée risquent d'avoir des conséquences sur son quotidien, et le locataire sera tenu de s'y tenir.

https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.pngÀ RETENIR :​​ Comme il occupe les lieux, le locataire est le premier interpellé lorsque survient un problème dans la copropriété. Le conseil d'administration ou le gestionnaire n'est toutefois pas tenu de traiter avec un locataire, et c'est souvent la réponse qu'il donne lorsqu'il est sollicité. Il revient donc au copropriétaire-locateur de jouer l'intermédiaire.

ATTENTION !​ Il est illicite d’interdire à un copropriétaire de louer son appartement. Quant aux modalités d’exercice du droit de location, la Cour d'appel a déjà conclu que de subordonner ce droit à un pourcentage maximal de location dans l'immeuble (par ex.: le nombre total d'appartements sous location ne doit pas dépasser 10%) constituait, dans le cas traité, un changement à la destination d'immeuble. 

 

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