Administrateur provisoire

La présence d’un conseil d’administration est obligatoire dans une copropriété. Il constitue l’organe exécutif du syndicat et en est le représentant légal. Quant à ses membres, ils agissent comme mandataires du syndicat. En raison du phénomène des copropriétés en difficulté ou dysfonctionnelles, le législateur par l’entremise du Projet de loi 16, a mis en place des dispositifs judiciaires destinés à pallier ces difficultés. L'article 1086.4 a été ainsi introduit au Code civil du Québec.

Cet ajout permet au tribunal de remplacer le conseil d’administration par un administrateur provisoire, si les circonstances le justifient, et de déterminer les conditions et modalités de son administration (par ex. : la durée du mandat). Il en est ainsi si le syndicat est dans l'impossibilité de maintenir l'immeuble dans un bon état général.

Nomination 

Si le tribunal estime que les circonstances le justifient, par exemple lorsque le fonctionnement ou l’équilibre financier du syndicat des copropriétaires est compromis (en raison notamment d’une crise financière), il peut désigner un administrateur provisoire. Cela suppose que les fonds et la trésorerie du syndicat des copropriétaires ne permettent plus de faire face aux charges et aux frais. L'administrateur provisoire aura un rôle bien distinct du conseil d’administration sortant, car il se substitue aux administrateurs, dessaisis.

L’administrateur provisoire a ainsi vocation à assurer momentanément la gestion de la copropriété aux lieu et place du conseil d'administration. Le tribunal peut également déterminer les conditions et modalités de son administration. Si la situation de la copropriété est si mauvaise que le redressement des comptes est difficile, l’administrateur provisoire pourra s’adjoindre l’intervention d’autres acteurs, par exemple un comptable professionnel agréé.

Cas d’espèce

Le phénomène des copropriétés québécoises en difficulté est relativement récent et limité en termes de nombre. Elles prennent diverses formes. Il peut s’agir de petits bâtiments où le conseil d'administration est dysfonctionnel ou inexistant. Dans d’autres situations, on parle de grands ensembles construits dans les années 1980-1990, où les syndicats sont incapables de souscrire une assurance conforme à Loi, et ce en raison du déficit chronique d’entretien. Les premiers signes d’une copropriété en difficulté sont les suivants : multiplication des impayés, augmentation constante des charges communes, incapacité d’assurer en tout ou en partie la copropriété, fournisseurs payés systématiquement en retard et dégradation des parties communes.

Personnes pouvant être désignées administrateur provisoire

Outre les conditions d’éligibilité prévues par la loi, aucune aptitude, compétence ou autres conditions particulières ne sont imposées pour exercer la fonction d’administrateur provisoire. Or, cette charge devrait être consentie uniquement à des personnes qualifiées. Il en est ainsi pour :

  • Une personne physique possédant une expérience d’au moins 10 ans dans la gestion d’une copropriété et d’une formation universitaire en copropriété divise;
  • Un comptable professionnel agréé;
  • Un administrateur agréé;
  • Un avocat ou un notaire exerçant en droit de la copropriété depuis au moins 10 ans.

Devoirs et obligations de l’administrateur provisoire

L’administrateur provisoire se voit confier les mêmes pouvoirs que tout autre administrateur d’un syndicat de copropriétaires. Il est tenu d’administrer et de gérer la copropriété. À ce titre, il doit, minimalement :

En principe, l’administrateur provisoire exécute personnellement la mission qui lui est confiée, mais peut se faire assister si nécessaire.

Percevoir les charges communes

Percevoir les charges communes de tous les copropriétaires fait partie de la mission première de l’administrateur provisoire. Lorsque la copropriété est en « difficulté financière » : les impayés de charges communes s'accumulent, le bâtiment risque de se dégrader parce que le syndicat ne dispose plus des ressources financières nécessaires. Sans compter l’effet domino : un copropriétaire en difficulté fait peser la dette de ses impayés sur les autres copropriétaires, qui, à leur tour, peuvent crouler sous les charges et mettre en péril toute la copropriété.

Travaux

Le redressement de la copropriété peut nécessiter l’exécution de travaux. Dans ce cas, le juge peut autoriser l’administrateur provisoire à entreprendre des travaux concourant au redressement de la copropriété.

État des comptes

Plusieurs opérations comptables doivent être effectuées, enregistrement des opérations financières, conciliations bancaires, préparation des états financiers et particulièrement pour les comptes individuels des copropriétaires :

  • Mise à jour de l’auxiliaire des comptes à recevoir qui liste le solde de l’ensemble des sommes dues par les copropriétaires et présente les créances douteuses (celles qui risquent à terme d’être impossibles à percevoir advenant, notamment, qu'elles soient prescrites);
  • Extraits des comptes individuels des copropriétaires débiteurs. Ces extraits indiquent l’historique des appels de fonds, des règlements et des frais de relance. Ils permettent de se faire une idée de l’état des comptes des mauvais payeurs ;
  • État du suivi contentieux. Il renseigne les actions entreprises par le syndicat pour inciter les copropriétaires en difficulté à payer : relances, mises en demeure, échéancier, recours à un huissier, etc.

Reddition de compte

Lors de la fin de son mandat, l’administrateur provisoire doit rendre compte de son administration par la présentation d’états financiers. Ces derniers devraient être présentés par un comptable qui commente la situation financière du syndicat. Son rapport identifiera toute irrégularité potentielle.

La reddition de compte par l’administrateur provisoire est importante, car elle permet aux copropriétaires :

  • D’obtenir une information claire sur la situation financière du syndicat;
  • D’exercer un certain contrôle sur la gestion de l’administrateur provisoire qui a été désigné par le tribunal;
  • De tendre à une gestion plus saine du syndicat, pendant la période où la copropriété a été mise en tutelle. 

BON À SAVOIR! L'administrateur provisoire est chargé de prendre les mesures nécessaires pour rétablir le fonctionnement normal de la copropriété. Pour assurer sa mission, le tribunal lui confie tous les pouvoirs du conseil d’administration. Dès qu'il prend une décision, il doit l’inscrire dans un procès-verbal qui devra être transmis aux copropriétaires dans les 30 jours de la prise de décision.

https://www.condolegal.com/images/Boutons_encadres/A_retenir.png À RETENIR : Lorsque des copropriétaires sont incapables de faire face au paiement de leurs charges, que des travaux ne peuvent plus être entrepris par manque de fonds et que l’immeuble ne peut plus être entretenu correctement, la copropriété devient dès lors en difficulté.

 ATTENTION! La copropriété divise d’un immeuble n’a pas forcément vocation à durer éternellement. La fin de la copropriété, et par le fait même la dissolution et liquidation du syndicat, est une question qui devra un jour se poser pour certaines copropriétés. Par ailleurs, celle-ci est réglementée par les articles 1108 et 1109 du Code civil du Québec, qui renvoient aux règles applicables aux personnes morales concernant leur liquidation.

 CONSULTEZ LE TEXTE de Me Yves Joli-Coeur : La « mise en tutelle » d’une copropriété – Quelle portée faut-il donner à l’article 1086.4 C.c.Q. ? (Développements récents en droit de la copropriété divise 2022) 

Ecoutez la Webradio traitant de cette question: Invités : Valéry Couture, gestionnaire de copropriété, Aline Désormeaux comptable agréée (CPA, CA, Adm. A.), Vincent Gaudreau, courtier en assurance de dommages et l’avocat émérite  Me Yves Joli-Cœur  président du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec (RGCQ).

 

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