Date de publication: 04/10/2023

Copropriété divise et indivise : droits, risques et valeur

 

Face à la pénurie de logements, l’idée d’acquérir une copropriété peut paraître séduisante. Le marché offre une variété de copropriétés, mais il est essentiel de comprendre les différences entre les copropriétés divise et indivise. Ces deux formes présentent des particularités légales et financières distinctes qui peuvent avoir un impact significatif sur vos droits en tant que propriétaire. Par conséquent, il est essentiel de prendre en compte les obligations et les risques liés à ce genre d’investissement. 

Spécificités de la copropriété divise

La copropriété divise est caractérisée par l’article 1038 et les suivants du Code civil du Québec, qui décrivent ses composantes. Dès la publication de la déclaration de copropriété, la collectivité des copropriétaires constitue une personne morale, soit un syndicat de copropriété. Celui-ci a pour mission de conserver l’immeuble, d’entretenir et d’administrer les parties communes, de protéger les droits liés à l’immeuble ou à la copropriété, ainsi que de gérer toutes les opérations d’intérêt commun. Il doit notamment s’assurer que les travaux nécessaires à la conservation et à l’entretien de l’immeuble sont effectués. 

Spécificités de la copropriété indivise

L’article 1012 du Code civil du Québec stipule que l’indivision peut découler d’un contrat, d’une succession, d’un jugement ou de la loi. L’article 1015 précise que les parts des indivisaires sont présumées égales. Ainsi, une copropriété divise peut être détenue en copropriété indivise. Cet exemple montre bien la flexibilité et la complexité des structures de copropriété. En résumé, le risque lié à la qualité des droits sur lesquels repose la propriété dépend du contrat qui lie les indivisaires. En l’absence de contrat devant un avocat ou un notaire, la copropriété est divisée en parts égales entre les copropriétaires et ceux-ci sont solidairement responsables des obligations. En l’occurrence, ils pourraient tous ensemble hypothéquer la totalité de l’immeuble de façon solidaire. 
Dans le marché de la copropriété indivise, on ne retrouve généralement que des plex de petite taille, souvent régis par une convention d’indivisaires. Deux raisons expliquent ce phénomène. La première raison : à Montréal, par exemple, durant les années 2010 , la conversion des plex en copropriété divise était entravée par une lourdeur administrative de la part de la Ville et de la Régie du logement . Pour contourner cette contrainte, des groupes d’acheteurs ont choisi la copropriété indivise. La deuxième raison : cette formule n’est pas adaptée aux plex de plus grande taille en raison de sa complexité administrative et des risques financiers qu’elle représente. 
Ainsi, pour déterminer la valeur d’une copropriété indivise, il est essentiel de prendre connaissance du contrat qui lie les copropriétaires, car la valeur dépend des droits détenus par l’indivisaire ainsi que d’autres variables et caractéristiques du bien détenu en copropriété.

Le risque de financement

Pour une copropriété divise, la déclaration publique indiquant que la propriété de l’immeuble est divisée en fractions appartenant à une ou plusieurs personnes, n’entraîne pas de limitation par les institutions financières. Par conséquent, elles peuvent offrir des conditions de financement allant jusqu’à 95 % de la valeur de la propriété pour un propriétaire occupant. Cela rend l’acquisition plus accessible à un plus grand nombre d’acheteurs, qui ont ainsi la possibilité d’obtenir une valeur plus élevée.
Dans le cas d’une copropriété indivise, les institutions financières peuvent consentir un prêt jusqu’à 80 % de la valeur de cette part, mais uniquement si la copropriété est régie par une convention d’indivision adéquate et publiée pour être opposable aux tiers. Il est également important de noter que, généralement, les institutions financières interdisent la location de la copropriété indivise qui est engagée par ce prêt. Elles concèdent au copropriétaire contractant la seule responsabilité de son obligation envers l’institution, ce qui est une bonne chose pour les autres copropriétaires du plex. Dans ce cas, seule la part du copropriétaire concernée peut être saisie en cas de défaut de paiement au créancier. Le cas peut être différent lors d’un héritage où tous les copropriétaires d’un bien immobilier peuvent être signataires d’un seul emprunt et sont ainsi conjointement responsables de cette dette.

Le risque en gestion 

La copropriété comporte des risques liés à la gestion, particulièrement lorsqu’il s’agit d’une copropriété de moins de 6 unités, en raison de la dynamique de pouvoir qui peut s’établir. Bien que l’on présume généralement de la bonne foi des individus, certaines personnes peuvent négliger l’entretien préventif et le remplacement de certaines composantes du bâtiment, compromettant ainsi la qualité du bien commun. Cela peut être dû à diverses raisons, comme les frais de gestion de la copropriété. Il est arrivé à plusieurs reprises que des copropriétaires aient dû se tourner vers les tribunaux pour faire effectuer des réparations sur le bâtiment, négligées par les copropriétaires majoritaires au sein du conseil d’administration. 
Dans le contexte d’une copropriété indivise, il est important de rappeler qu’une convention d’indivision n’est pas obligatoire. Cependant, sans cette convention, le risque augmente lors de la prise de décisions financières et en cas de désaccord. Par conséquent, il est recommandé de consulter des professionnels avant d’acquérir un bien afin d’identifier les risques potentiels qui pourraient affecter le patrimoine. Une convention bien rédigée par un juriste peut prévenir des problèmes majeurs, même si les parties concernées sont des membres d’une même famille, et éviter des coûts financiers bien plus importants que ceux d’une consultation avec un expert.
Lors de conflits, la mémoire peut s’avérer déficiente et il peut être difficile de prouver des ententes verbales. Cela peut concerner des aspects que l’on considère comme évidents au départ, tels que la participation à la gestion, les parts des frais de l’indivision, la constitution d’un fonds de prévoyance et autres spécificités. Il vaut mieux prévoir par écrit des éléments importants comme la participation à la gestion, la répartition des frais de l’indivise, la constitution d’un fonds de prévoyance et d’autres spécificités. L’évaluateur agréé tiendra compte de ces facteurs, ainsi que des droits et de la qualité du bien, pour établir la valeur, par exemple, en cas de séparation. 
Le risque et la valeur sont étroitement liés. Pour une copropriété divise, une déclaration de copropriété claire, complète et conforme à la loi assure le maintien de la jouissance de la partie exclusive des copropriétaires. De plus, la copropriété divise permet de louer son bien, ce qui peut être un avantage en cas de changement de situation ou d’investissement. Il faut toutefois respecter certaines modalités, dont la disposition présumée au niveau fiscal. 
Dans une copropriété indivise, les copropriétaires sont solidaires dans les frais et dépenses. Cela signifie que si les taxes municipales ne sont pas payées intégralement, c’est la copropriété entière qui peut être saisie. Il est donc crucial de bien comprendre ces aspects avant de s’engager dans une copropriété indivise. 
Avec l’introduction de nouveaux articles dans le Code civil du Québec, qui obligent à planifier et à constituer un fonds de prévoyance et un fonds d’assurance, ainsi qu’à faire appel à un évaluateur agréé pour établir la valeur assurantielle, les risques pour les copropriétés divises ont diminué. Cependant, il est essentiel que le conseil d’administration ait mis en œuvre ces exigences de manière appropriée et conforme.

Conclusion

On voit donc qu’il y a une distinction marquée entre les deux formes de copropriété. Bien que les risques soient présents dans les deux cas, la copropriété indivise semble présenter un risque financier plus élevé que la copropriété divise. En outre, l’acquisition d’une copropriété indivise nécessite une part d’équité plus importante, ce qui réduit le nombre d’acheteurs potentiels et devrait donc se traduire par une valeur inférieure, toutes choses étant égales par ailleurs. 
On observe malheureusement que les acheteurs, dans un marché où l’offre est rare, sont plus imprudents et négligent l’importance des inspections effectuées par des professionnels, qui pourraient leur fournir des informations plus précises que de simples impressions subjectives. C’est ce qu’on appelle des biais cognitifs financièrement coûteux.
 

Yvon Rudolphe, MBA fin., É.A., Adm.A.
Consultant et administrateur en patrimoine
Évaluateur agréé et courtier immobilier

Rudolf Patrimoine Conseil, Agence immobilière
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