Pour celles et ceux qui souhaitent revenir sur les propos tenus lors de l’entrevue diffusée sur QUB Radio, la transcription intégrale est maintenant disponible sur notre site. Ce document permet de mieux comprendre les enjeux abordés et de prendre pleinement la mesure des retards dans la mise en œuvre du projet de loi 16.
[00:00:03.05] – Isabelle Maréchal
Il n’y a pas que les élections dans la vie, il y a aussi la vie... et la vie en condo. Vous envisagez peut-être de devenir propriétaire d’un condo, parce que quand on regarde le prix des maisons, cela devient un peu inaccessible pour bien des gens. Et on parle de plus en plus des jeunes qui rêvent toujours, comme leurs parents, d’accéder à la propriété et de s’acheter un condo. C’est peut-être la façon la plus accessible, justement, d’accéder à un logement, considérant que lorsqu’on est locataire, ce n’est pas évident. Il y a d’ailleurs beaucoup de gens qui louent des condos et qui doivent composer avec des règlements de copropriété. Bref, sincèrement, cela devient un peu compliqué pour toutes sortes de raisons. On vous a déjà parlé de la difficulté de trouver une assurance, de l’importance d’avoir un fonds de prévoyance. En ce moment, il y a aussi le projet de loi 16, qui a été adopté en 2019 et qui constitue une réforme majeure de la copropriété au Québec.
[00:01:09.10] – Isabelle Maréchal
Mais là, il y a des lenteurs dans le système. Hein ? Quoi ? Des lenteurs dans le système ? Vous allez dire : c’est étonnant. Parlons-en avec Maître Yves Joli-Cœur, avocat en droit immobilier. Je l’appelle souvent « Monsieur Condo » parce que, lorsqu’il s’agit de nous expliquer les tenants et aboutissants, Yves, on se tourne vite vers vous. Bon, là, je sais que ça va vous faire réagir, parce que vous êtes un peu fâché contre la ministre de l’Habitation, Madame Duranceau, qui tarde à appliquer un certain règlement. Expliquez-nous, Yves : c’est quoi ?
[00:01:36.58] – Yves Joli-Cœur
Le cœur de la réforme, Isabelle, c’est le projet de loi 16, dont l’objectif, notamment, selon l’intention de l’ancienne ministre responsable, était de rendre plus transparentes les transactions en copropriété. On parle donc de certaines pièces justificatives, mais également de la pérennisation des bâtiments, par l’obligation de mettre en place des carnets d’entretien et de faire des études du fonds de prévoyance. C’était le cœur de la législation. Et ce cœur n’est toujours pas en vigueur. Pourquoi ? Parce qu’on attend un règlement d’application. C’est un peu étonnant, parce que la loi est en vigueur depuis 2020. Ils ont attendu jusqu’en septembre dernier pour publier le projet de règlement. Et là, on attend toujours le règlement final. C’est une lenteur qui s’explique mal et qui est très dommageable, parce que plus on retarde la mise en place de ces mesures, c’est comme l’épargne retraite : plus on tarde à épargner, plus il devient difficile pour les gens d’accumuler les sommes requises pour réaliser des projets.
[00:02:31.08] – Isabelle Maréchal
Expliquez-nous bien… Mais qu’est-ce que ça va permettre de faire, ce règlement ? Et surtout, le projet de loi 16, à quoi sert-il exactement ?
[00:02:38.47] – Yves Joli-Cœur
C’est…
[00:02:39.02] – Isabelle Maréchal
La loi, en fait ?
[00:02:40.10] – Isabelle Maréchal
Depuis 2020, donc depuis cinq ans, qu’est-ce qu’elle a changé pour les gens qui vivent en condo ou qui sont déjà propriétaires d’un condo ?
[00:02:46.25] – Yves Joli-Cœur
Il y a plusieurs modifications techniques, qui visent à améliorer le cadre législatif – ce qui est peut-être moins d’intérêt pour nous ce matin –, mais essentiellement, il s’agit de faire en sorte que quelqu’un qui achète un condo reçoive du syndicat ce qu’on appelle une attestation sur l’état de la copropriété, de manière à ce que l’achat d’un condo ne soit pas un piège. Cette mesure législative, qui existe depuis longtemps en Ontario – on n’a rien inventé, on a copié ce que fait l’Ontario – tarde à entrer en vigueur. Tant qu’il n’y a pas de règlement final, ce n’est pas obligatoire pour les conseils d’administration de produire une attestation sur l’état de la copropriété. Est-ce qu’il y a eu beaucoup de sinistres dans l’immeuble ? Est-ce qu’on a un bon fonds de prévoyance ? En fait, toute l’information utile pour un acheteur tarde à être rendue obligatoire, parce que le fameux règlement n’est toujours pas publié.
[00:03:31.39] – Isabelle Maréchal
Et ça, c’est majeur. Parce que ça veut dire que les gens qui magasinent un condo depuis les cinq dernières années peuvent se faire dire n’importe quoi… À moins d’avoir un courtier immobilier qui s’y connaît vraiment et qui est capable de dire aux gens : « Attention, il faut poser telle ou telle question », on peut se faire avoir…
[00:03:52.55] – Yves Joli-Cœur
Bien complètement ! Et surtout qu’il n’y a rien dans la loi qui oblige actuellement les conseils d’administration à fournir cette information à un vendeur de condo. L’obligation ne s’applique qu’en présence d’un promettant acheteur. Cela manque donc de transparence. La ministre Laforest, qui a fait un travail extraordinaire – je la salue d’ailleurs – avait justement pour objectif de rendre les transactions plus transparentes. Quelqu’un de 26 ans achète un condo : il doit savoir précisément ce qu’il est en train d’acheter. Eh bien, cette mesure n’est toujours pas en vigueur, parce qu’on a tardé à publier le règlement d’application. Ce n’est pas possible, Isabelle, qu’on prenne cinq ans pour rédiger un règlement aussi important pour protéger les Québécois. L’autre élément majeur, c’est l’obligation de faire des carnets d’entretien et des études du fonds de prévoyance, pour déterminer combien il faut mettre de côté. Et ça, ce n’est toujours pas en vigueur parce qu’on attend le règlement.
[00:04:45.23] – Isabelle Maréchal
Ça, c’est le fonds de prévoyance.
[00:04:46.24] – Yves Joli-Cœur
Exactement. Le fonds de prévoyance. Aujourd’hui, il faut savoir qu’au Québec, la majorité des syndicats sont sous-capitalisés en ce qui concerne les sommes à avoir dans ce fonds. Et il y en a même, Isabelle, qui n’en ont pas du tout. Pas une cenne. Pas une cenne.
[00:04:59.04] – Isabelle Maréchal
Alors, si, mettons, le toit coule ou s’effondre, il n’y a pas d’argent. Et là, c’est là que, parfois, comme propriétaire de condo, tu as mis toutes tes économies là-dedans, ça t’a coûté 300 000 piastres à la sueur de ton front, et tout à coup tu te retrouves avec une facture de 50 000 $. Il y a eu des cas.
[00:05:14.29] – Yves Joli-Cœur
Il y a eu des cas à Boisbriand, dans le comté du député monsieur Girard, qui est ministre des Finances. Il y a 160 condos qui sont pourris. J’ai aussi des condos à Montréal qu’on va devoir raser. Et pendant ce temps, on réfléchit toujours au règlement. On n’arrive pas à le sortir. Écoutez…
[00:05:29.36] - Isabelle Maréchal
Mais pourquoi ?
[00:05:31.06] - Yves Joli-Cœur
Eh bien, écoutez… pourquoi ?
[00:05:33.07] - Isabelle Maréchal
Est-ce que ce n’est pas une bonne ministre, madame Duranceau ?
[00:05:35.04] - Yves Joli-Cœur
Ce n’est pas qu’elle n’est pas une bonne ministre, mais elle n’a pas manifesté de sensibilité pour ce dossier.
[00:05:39.37] - Isabelle Maréchal
Elle est sensible à quoi, alors ?
[00:05:41.27] - Yves Joli-Cœur
Je ne saurais pas le dire. Mais sa collègue, madame Laforest…
[00:05:44.18] - Isabelle Maréchal
Elle n’est pas sensible aux locataires, elle n’est pas sensible aux propriétaires de condos. C’est quoi, sa sensibilité ?
[00:05:49.26] - Yves Joli-Cœur
Eh bien, c’est elle qui va devoir nous l’expliquer. C’est elle qui va devoir le démontrer. Vous savez, le journal Les Affairesa publié un article récemment sur la performance de cette réforme. Ils ont donné une note E au résultat final, alors qu’on a donné une note A à des gens comme nous qui, depuis 2012, faisions partie du comité consultatif. On a formulé des recommandations pour éviter d’entrer dans un mur. Et surtout, Isabelle, ce qui est important, c’est que les jeunes de 25, 30 ans...
[00:06:17.08] - Isabelle Maréchal
C’est ça qui…
[00:06:17.53] - Yves Joli-Cœur
... pour qui le seul moyen d’accéder à la propriété, c’est le condo. On ne peut pas, comme État, se permettre de les fragiliser financièrement. C’est irresponsable. C’est une forme d’irresponsabilité d’avoir laissé ces choses traîner. Ce règlement est crucial, vital pour l’avenir de nos jeunes qui veulent accéder à la propriété.
[00:06:35.46] - Isabelle Maréchal
Parce qu’acheter un condo aujourd’hui comporte quand même beaucoup de risques. Ça peut paraître être le produit le moins cher sur le marché, mais il y a tout de même des risques. D’ailleurs, puisque vous êtes là, Yves, j’en profite. Vous avez publié un ouvrage qu’on peut encore se procurer aujourd’hui : Achat et vente d’un condo : tout ce qu’il faut savoir. C’est Maître Joli-Cœur qui l’a écrit. C’est un peu la bible depuis plusieurs années. Moi, je vous connais depuis longtemps et, sincèrement, c’est encore le meilleur ouvrage qu’on peut trouver sur le marché. Il n’y en a pas tant que ça. Pour nous éviter les pièges, justement. Alors, quels sont ces fameux pièges ? Si on voulait faire un petit cours 101 : comment acheter un condo sans se faire avoir ?
[00:07:17.32] - Yves Joli-Cœur
Le premier, c’est que le parc immobilier a une moyenne d’âge de 30 ans. Et à 30 ans, on arrive dans les gros travaux. Donc le piège, c’est de se demander : le 1 200 000 $ dans le fonds de prévoyance, est-ce que c’est suffisant ? Peut-être qu’on en a pour 3 millions. Et à l’inverse, un fonds de 50 000 $, ça peut être suffisant si tout a été refait dans l’immeuble. Si tout est nickel. Donc, ce n’est pas le montant lui-même, mais sa suffisance qu’il faut évaluer. Dans notre budget d’acheteur, on prévoit notre hypothèque, les taxes, etc. Mais on ne veut pas avoir une cotisation spéciale de 50 000 $ qui nous tombe dessus. Est-ce que j’ai les moyens d’acheter ? C’est le premier piège : est-ce qu’on a accumulé les sommes requises ? Le deuxième, c’est : est-ce qu’on entretient le bâtiment ? Tu sais, les condos, c’est comme les infrastructures. Comme l’hôpital Maisonneuve-Rosemont : parfois, ça tombe en morceaux. On ne veut pas acheter dans une copropriété où il y a de la moisissure, où les murs sont moisis parce que l’eau s’y infiltre depuis quinze ans. On l’a vu dans le reportage de Radio-Canada sur le Faubourg Boisbriand. Je connais d’autres projets similaires. J’ai des cas où l’on va carrément démolir des immeubles. Donc on veut éviter ça. Cela dit, il y a des copropriétés, Isabelle, où ça se passe très bien. Ce matin, on parle de problèmes, mais il y a aussi des endroits bien gérés. Le problème, c’est que ceux qui gèrent bien leur copropriété sont en concurrence déloyale avec ceux qui refusent d’investir dans leurs bâtiments.
[00:08:38.38] - Isabelle Maréchal
Puis c’est ce que j’allais dire, Me Joli-Cœur. Il y en a tout le temps, c’est ça… J’ai déjà été en copropriété, j’en suis sortie avec grand plaisir parce que je trouvais que c’était invivable. Ce qui m’a sautée aux yeux, c’est que dans une copropriété, dans un édifice de condos, c’est comme… c’est comme la planète ! T’as toutes sortes de citoyens, t’as toutes sortes de monde. T’as ceux qui veulent payer, qui veulent mettre de l’argent dans le fonds de prévoyance parce qu’ils ont compris que ça allait être bénéfique à long terme, que c’est comme mettre de l’argent en banque. Puis il y en a d’autres qui se disent : « Bien moi, je vais être là deux ans, je vais le vendre après, je vais faire un petit profit dessus. Il est pas question que je mette une cenne dans le fonds de prévoyance. » Je le sais que je serai pas là dans dix ou vingt ans. Fait que les gens qui sont en copropriété, ils n’ont pas tous les mêmes intérêts. Ça donne des rencontres de copropriétaires… oh mon Dieu, des heures à s’obstiner ! Alors, comment on fait ? C’est comme s’il fallait magasiner ses copropriétaires en même temps qu’on magasine son condo. Vous êtes d’accord ?
[00:09:32.14] - Yves Joli-Cœur
Oui, mais lorsqu’on lit les procès…
[00:09:33.28] - Isabelle Maréchal
Mais on ne fait pas ça, là.
[00:09:34.23] - Yves Joli-Cœur
Non, mais lorsqu’on lit les procès-verbaux des assemblées de copropriétaires, c’est assez révélateur de la température de l’eau.
[00:09:40.59] - Isabelle Maréchal
Est-ce que les gens les lisent, les procès-verbaux ?
[00:09:43.22] - Yves Joli-Cœur
Eh bien, c’est ça. Vous savez, la présidente de l’OACIQ disait récemment qu’ils souhaitent développer une spécialisation en courtage immobilier en copropriété. Il y a eu une déclaration en ce sens. Or, le rôle d’un courtier bien formé, c’est justement de prendre le temps de les lire. Il va dire : « Madame Maréchal, j’ai lu les procès-verbaux. Il y a un os dans la moulinette. Il y a des travaux importants à venir. Est-ce que vous avez les moyens d’y faire face ? » C’est ça, le travail d’un courtier. C’est réellement un devoir de conseil. Il y en a des bons, et il y en a qui sont peut-être moins intéressants, qui ne devraient peut-être pas vendre des condos.
[00:10:15.17] - Isabelle Maréchal
Oui, effectivement. J’en profite, je ne l’ai pas encore fait. Je vous redonne nos numéros : 1-877-827-2346. Si vous êtes justement en condo, si vous avez l’intention de vous en acheter un, si vous avez des questions ou des commentaires… Est-ce que ça se passe bien ou moins bien dans votre copropriété ? Par texto, vous pouvez faire le 1-87-QUB-radio. Même quand on vous entend, Maître Joli-Cœur, on se dit : ah bien là, vaut mieux acheter du neuf, finalement. Parce que dans le neuf, on n’aura pas forcément un toit à refaire ou d’autres problèmes dans les prochaines années. En même temps, parfois, dans des condos neufs — je parle par expérience — ça s’est fait vite, on n’a pas toujours bien fait les choses, et des fois, tu te ramasses plus tôt que prévu avec des dépenses imprévues.
[00:11:02.14] - Yves Joli-Cœur
On a eu une grosse problématique — et on l’a encore au Québec — c’est ce qu’on appelle le contrôle de qualité.
[00:11:06.34] - Isabelle Maréchal
Voilà.
[00:11:06.59] - Yves Joli-Cœur
Tu sais, quand on se compare à l’Ontario, c’est triste. En Ontario, les études de fonds de prévoyance et les carnets d’entretien, les attestations sur l’état de la copropriété, ça fait des années que ça existe. Les inspections obligatoires de chantier aussi, ça fait des années que ça existe. C’est comme si on ne comprenait pas, au Québec… il n’y a pas de pensée magique. J’étais à Gatineau vendredi dernier. Je sais que madame Duranceau y était aussi. Je suis président du Regroupement des gestionnaires et copropriétaires du Québec. On a des chapitres régionaux. Les gens à Gatineau ne comprennent pas comment ça se fait qu’on a une loi aussi médiocre au Québec pour protéger les consommateurs. En Ontario, la surveillance est obligatoire. Ici, on n’en a pas. On a passé un projet de loi récemment qui, peut-être d’ici quelques années, rendra obligatoire un certain degré de surveillance.
[00:11:56.31] - Isabelle Maréchal
Bon, mais là, en ce moment, un chantier de condos, personne ne va vérifier si c’est bien fait ?
[00:12:00.43] - Yves Joli-Cœur
Si c’est une tour de douze étages, personne ne va aller contrôler si on met assez d’acier d’armature dans les colonnes. S’il respecte ou non les normes parasismiques. On n’a pas de contrôle obligatoire. Les seuls contrôles qui existent au Québec concernent les petits bâtiments. On a un plan de garantie de la GCR qui est, quand même, beaucoup plus sérieux. Ils se portent garants de la qualité des travaux. Mais c’est inacceptable qu’au Québec, on ne vise même pas une inspection obligatoire sur les mesures de sécurité en cas de tremblement de terre. Tu sais, parfois on dit qu’au Mexique ils construisent étrangement bien… Ici aussi, on construit. Je ne dis pas que les immeubles vont s’effondrer, mais un promoteur qui construit une tour de condos, il ne le fait pas pour lui, il le fait pour autrui. Une fois qu’il a vendu, il disparaît. Alors pourquoi n’a-t-on pas de mesures ? En France — j’y vais souvent pour des échanges sur la copropriété — ils ont mis en place une garantie décennale. Leurs bâtiments sont garantis pendant dix ans par un assureur. Pourquoi n’est-on pas capables de faire ça ici ? Quel genre de société distincte sommes-nous ?
[00:13:05.13] – Isabelle Maréchal
Nous, on n’a pas l’APCHQ ? Ou on n’a pas une garantie de constructeur de cinq ans ?
[00:13:10.40] – Yves Joli-Cœur
On a des plans de garantie pour les maisons neuves, optionnels, qui ne sont pas très généreux et qui ne sont pas à l’avantage du citoyen. C’est pour ça qu’on a mis en place le plan de garantie obligatoire avec la GCR : là, on a de vraies protections. Mais encore là, on laisse l’administration de ces immeubles à des gens qui ont la main sur le cœur — souvent des bénévoles — mais qui n’ont pas toujours les connaissances requises. C’est pour ça qu’aujourd’hui, Isabelle, on a encore des compagnies de gestion, contrairement au reste du Canada. On n’est pas capables d’encadrer les gestionnaires par une loi qui vise la protection du public. Si vous avez un condo géré en Alberta, il y a un organisme, une autorité qui surveille les gestionnaires. Ici, au Québec… si j’ai un gestionnaire qui vide le compte de banque, j’ai personne pour le surveiller.
[00:13:56.38] – Isabelle Maréchal
Il faut appeler son avocat, puis partir après…
[00:13:58.38] – Yves Joli-Cœur
Puis partir après quelqu’un qui va peut-être disparaître. Tu sais, la zone de sécurité, on ne l’a pas au Québec. Et pourtant, on a d’excellents gestionnaires, on a des gens qui travaillent bien. Sauf que ça amène une concurrence déloyale. Exemple : une copropriété bien administrée versus une qui ne l’est pas, on ne le sait pas. Donc, il faut créer, au Québec, une véritable zone de sécurité.
[00:14:17.26] – Isabelle Maréchal
Sans parler des assureurs. On s’en est déjà parlé au fil des ans, Me Joli-Cœur. Les compagnies d’assurance deviennent de plus en plus frileuses à assurer les copropriétés. La dernière fois qu’on s’était parlé, vous m’aviez dit qu’il restait à peu près une compagnie. Ils sont combien ?
[00:14:32.05] – Yves Joli-Cœur
Il en reste cinq ou six. Mais la problématique est la suivante : j’ai un dossier où il y a eu un incendie récemment, l’été passé. Le bâtiment n’a pas été réhabilité, et l’assureur renvoie le syndicat en disant : « Je ne vous renouvelle pas. » Quand un assureur, au Québec, ne renouvelle pas, on ne peut plus replacer le risque, sauf sur les marchés étrangers. On ne peut pas se permettre de laisser des familles, des consommateurs, sans protection. Et c’est un peu la problématique qu’on a actuellement avec madame Duranceau, qui n’a pas cette sensibilité — contrairement à ses anciennes collègues, madame Thériault, madame Laforest — de comprendre la réalité de la copropriété. Le Québec, Isabelle, ne peut pas devenir un peuple de locataires. Aujourd’hui, on ne construit plus de condos à Montréal, on n’en construit plus à Québec, on n’en construit plus à Gatineau. La question, c’est : pourquoi ? Parce que la sécurité qu’on devrait offrir aux consommateurs n’est pas au rendez-vous. René Lévesque ne souhaitait pas qu’on soit un peuple de locataires, mais tranquillement, Isabelle, vous voyez… des locations-condos, ce ne sont plus des condos, c’est du logement. Parce qu’on n’est pas capables de garantir cette sécurité dans le logement collectif.
[00:15:36.17] – Isabelle Maréchal
Maître Joli-Cœur, merci beaucoup. Ça a été très intéressant. Je sais que vous rencontrez la ministre tout à l’heure.
[00:15:40.25] – Yves Joli-Cœur
On va lui parler bientôt. Dans quelques minutes.
[00:15:42.10] – Isabelle Maréchal
Vous allez lui parler de sensibilité ?
[00:15:44.12] – Yves Joli-Cœur
Exact.
[00:15:44.41] – Isabelle Maréchal
Bon, bien, vous nous tiendrez au courant. Merci beaucoup, Maître Yves Joli-Cœur, qui est avocat en droit immobilier. Achat et vente d’un condo : tout ce qu’il faut savoir — ça, c’est un livre nécessaire si vous êtes en copropriété ou si vous avez l’intention de le devenir.