Le 25 mars 2025, la Loi édictant la Loi sur les contrats des organismes municipaux et modifiant diverses dispositions principalement aux fins d’allègement du fardeau administratif des organismes municipaux introduite par le projet de loi 79 a été sanctionnée. Depuis cette date, une nouvelle disposition de la Loi sur les cités et villes (LCV) est entrée en vigueur et bouleverse le fonctionnement des syndicats de copropriété lorsque la municipalité devient propriétaire d’une portion importante des fractions d’un immeuble détenu en copropriété divise.
L’article 474.8 introduit deux mesures majeures : la nomination obligatoire d’un administrateur municipal et l’approbation du budget par le conseil municipal dans certains cas. Ces mesures ont des répercussions directes sur l’autonomie du syndicat et sur ses obligations contractuelles. Mais avant d’examiner ces conséquences, un rappel s’impose sur les règles habituelles encadrant la nomination des administrateurs.
Nomination des administrateurs : règles habituelles en copropriété
En copropriété divise, les modalités de nomination et de remplacement des administrateurs sont prévues au règlement de l'immeuble, soit la deuxième partie de la déclaration de copropriété. À défaut, ces règles sont déterminées par le Code civil du Québec. La loi laisse ainsi une grande marge de manœuvre aux copropriétaires pour établir, dans leur déclaration de copropriété, les règles qui leur conviennent.
Élection
Le mode de nomination le plus fréquent est l’élection par l’assemblée des copropriétaires, tenue lors de l’assemblée annuelle. Dans ce cas, le règlement de l’immeuble traite notamment :
La majorité absolue des voix exprimées par les copropriétaires présents ou représentés est requise pour qu’un candidat soit élu. Il peut être nécessaire de procéder à plusieurs tours de scrutin pour combler tous les sièges vacants.
Chaque administrateur est élu individuellement, mais une élection en bloc est parfois possible, si tous les postes à pourvoir sont comblés par un nombre équivalent de candidatures, et si l’assemblée y consent.
Désignation
Il arrive également que la déclaration de copropriété prévoit une désignation directe d’administrateurs par certains groupes de copropriétaires. Par exemple, dans une copropriété mixte (résidentielle et commerciale), le règlement peut accorder aux propriétaires d’unités commerciales le droit de désigner un ou plusieurs administrateurs. Cette pratique vise à assurer une représentation équitable de l’ensemble des vocations présentes dans l’immeuble.
Nomination obligatoire par la municipalité : une exception légale
La nouvelle règle introduite par l’article 474.8 LCV vient ajouter une exception importante à ce régime généralement contractuel.
« Lorsque la municipalité est propriétaire de fractions représentant au moins le tiers de la valeur relative de l’ensemble des fractions d’une copropriété divise, le conseil d’administration du syndicat de cette copropriété doit comprendre un administrateur nommé par la municipalité. »
Autrement dit, même si la déclaration de copropriété ne prévoit rien à cet effet, la loi impose la présence d’un représentant désigné par la municipalité dès que cette dernière atteint le seuil d’un tiers de la valeur relative. Cette règle a un caractère impératif, et déroge à la compétence habituelle de l’assemblée des copropriétaires.
Il s’agit donc d’un droit de nomination autonome, qui ne passe ni par un vote ni par une désignation prévue à la déclaration.
Approbation obligatoire du budget par la municipalité
L’article 474.8 prévoit aussi un pouvoir budgétaire important :
« Lorsque la municipalité est propriétaire de fractions représentant au moins la moitié de la valeur relative de l’ensemble des fractions d’une copropriété divise, le budget de cette copropriété doit être approuvé par la municipalité. Lorsque le budget n’est pas approuvé au premier jour de l’exercice financier pour lequel il a été préparé, il doit être présenté à la première séance du conseil qui suit. Dans ce cas, les sommes requises pour l’entretien et la conservation 52 de l’immeuble jusqu’à la tenue de cette séance peuvent être engagées par le syndicat des copropriétaires avant cette approbation.»
Il s’agit ici d’un contrôle financier inédit en copropriété. Alors que le Code civil du Québec prévoit que le conseil d’administration dépose le budget à l’assemblée sans vote formel, l’approbation municipale devient une condition de validité du budget, lorsque ce seuil de 50 % est atteint.
Lorsque le budget n’est pas encore approuvé au début de l’exercice financier, il doit être présenté à la première séance du conseil municipal suivant. Entre-temps, le syndicat peut seulement engager les dépenses strictement nécessaires à l’entretien et à la conservation de l’immeuble.
L’effet collatéral : les règles d’appel d’offres municipales
Cette approbation budgétaire par la Ville a une autre conséquence majeure.
L’article 573.3.5 LCV prévoit que :
« Les articles 573 à 573.3.4 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, à tout organisme qui remplit l’une ou l’autre des conditions suivantes:
3° son budget est adopté ou approuvé par une municipalité; »
En conséquence, le syndicat de copropriété devient assujetti aux règles strictes d’adjudication de contrats applicables aux municipalités, dès lors que son budget est soumis à l’approbation municipale.
Cela signifie, entre autres :
Conclusion : des ajustements nécessaires pour les projets municipaux en copropriété
Ces nouvelles exigences doivent être anticipées et intégrées dès la planification de tout projet impliquant une copropriété détenue en partie par une municipalité. Elles nécessitent également des ajustements importants dans la déclaration de copropriété et dans la gouvernance du syndicat.
BON À SAVOIR ! Même si la nomination des administrateurs relève habituellement de l’assemblée des copropriétaires ou des règles prévues à la déclaration de copropriété, la loi impose maintenant un droit de nomination à la municipalité dans certaines situations.
À RETENIR: Effets juridiques de la détention de fractions par une ville :
ATTENTION ! Dès que la municipalité approuve le budget du syndicat, ce dernier doit respecter les règles d’appel d’offres municipales. Un contrat accordé sans suivre ces règles pourrait être invalide. Une vigilance juridique s’impose.
Yves Joli-Coeur, Ad. E.
Avocat
Dunton Rainville
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